l'ile Maurice vu de "l'intérieur". récit d'une expatriée depuis 9 ans sur l'Ile
Bientôt le départ …
Alors laissez nous vous conter un peu Maurice, pas celui des lagons, des plages de sable blanc ou des grands hôtels paradisiaques ( que vous aurez prochainement la chance de découvrir ! ), mais celui que l’on perçoit un peu de l’intérieur … en dehors des sentiers battus : juste question d’aiguiser votre curiosité et susciter votre envie d’en savoir plus.
A l’Ile Maurice, vous êtes dans une vieille Europe, celles des descendants des marins bretons, des collons hollandais et britanniques, les arrières petits enfants des corsaires, des gouverneurs, des planteurs, des aventuriers, des commerçants qui étaient tous venus chercher fortune ( ou refuge ) sur la Grande Route des Indes au XVIIIe. Ce sont les blancs, les « visages pâles » de l’Ile ; Ils représentent un peu moins de 10% de la population et restent très attachés à leurs origines européennes.
Friands de la culture et de la gastronomie française : ils font venir des fromages, de la charcuterie, des bons vins de France que l’on trouve à présent dans la plupart des grandes épiceries, ils font venir Liane Foly, Francis Cabrel, Laurent Voulsy … en concert, des pièces de Molière, toute la presse française, ils achètent des émissions pour la Tv locale si bien que vous aurez l’occasion de suivre Questions pour un champion, Pyramide, la Chasse aux Trésors, Interville dans ce petit bout de terre au milieu de l’Océan Indien.
De l’Angleterre, ils ont gardé le raffinement et l’élégance. On boit le thé à la vanille à 16h, les intérieurs sont souvent décorés de bon gros canapés écossais avec de vieilles gravures de marines, de natures mortes ou d’oiseaux au mur. Le personnel de maison porte des tenues vichy digne de la Mama de Scarlett O’ara.
Tout le monde parle un parfait Français – avec l’accent tonique des suisses - et un parfait Anglais ( la langue des affaires et du JT ). A Maurice, les « blancs » détiennent l’essentiel de la vie économique : Textile, Sucre, Tourisme, Bâtiment, Import/Export. Ils sont puissants, envoient leurs étudiants en Europe ou en Afrique du Sud, investissent à présent à l’étranger, ils sont catholiques ou Anglicans très pratiquants, c’est un petit monde où tout le monde se connaît, plus ou moins.
A Maurice on est au cœur de l’Inde. Les femmes portent des sarees multicolores magnifiques ; On croise de toutes part des temples bariolés. Le peuple Indo-Mauricien pèse près de 65% de la population de l’île. La majorité d’entres eux sont Hindous ou Tamouls. Ils sont les descendants directs des ouvriers venus du Nord de l’Inde au début de 19ème siècle sous l’impulsion des Anglais (en place à l’époque) soucieux de trouver de la main d’œuvre bon marché une fois l’abolition de l’esclavage proclamée. Canne à Sucre oblige.
C’est un peuple besogneux, économe, et qui de générations en générations a cherché à s’élever socialement. Aujourd’hui, la démocratie étant une vraie démocratie – et non pas une république bananière- , ils détiennent le pouvoir politique de l’Ile ( le nombre fait la force …).
A notre petit niveau de voyageurs émerveillés de tout : ce sont les samoussas dans la rue, le curry à toutes les sauces, la magie de la symbolique pour cette religion dont on ne comprend rien, le faste des fêtes, les Milles et une Nuits de certains intérieurs, de la musique indienne à la radio ( et les films indiens ! ! ! : a voir Absolument, un must du kitch, du roman à l’eau de rose sous fond de montagnes savoyardes, avec des mimiques dignes du cinéma muet des années 30), c’est Bombay sans les odeurs et sans la misère. C’est le meilleur de cette Inde qui fait rêver, avec aujourd’hui à Maurice l’émergence d’une véritable élite intellectuelle.
A Maurice on est en Afrique, celle des descendants des esclaves « achetés » au Mozambique, en Afrique de l’Ouest ou à Madagascar. Ils ont obtenu l’abolition de l’esclavage en 1835 bien plus tard qu’en Europe ( 1794) ; Ils ont la peau noire ou métissée, on les appelle les créoles ici, contrairement aux Antilles où ce terme qualifie toutes personnes nées sur l’Ile – blancs inclus-. Leur démarche ( avec ce fort déhanchement féminin, vous savez ? ), leur cuisine, leur musiques … tout rappelle l’Afrique. Le paysage lui-même rappelle parfois la savane, parfois le littoral du grand continent noir avec ses filaos, ses banians, ses flamboyants … . Ils représentent environ 30% des habitants. C’est un peu et malheureusement les « laissés pour compte » ici, car dans le grand jeu du Monopoly, ils ont très peu de terrain d’action - ni politique, ni économique … - Ils sont pour la plupart agriculteurs, pêcheurs, menuisiers, manutentionnaires, chauffeurs poids lourds, servantes, nounous, jardiniers … Mais avec l’éducation pour tous, les bourses au mérite et le plein emploi sur l’île, il est fort à parier que les futures générations créoles sauront prendre à l’avenir quelques places dirigeantes dans ce pays.
Et puis Maurice, c’est un peu la Chine. Leurs ancêtres étaient des petits commerçants qui firent partis des derniers immigrants à venir s’installer à Maurice ( fin du 19ème ). Ce sont des travailleurs infatigables, très implantés dans le commerce de détail, les restaurants, les salles de jeu et les petites échoppes d’alimentation take away. Sa jeune génération brille particulièrement au firmament des hautes études et s’introduit depuis peu dans les banques et les affaires boursières. Elle se réveille cette chine, à l’occasion des fêtes au son du gong et de la danse du dragon. Elle a introduit à Maurice le Taoisme quand elle ne s’est pas convertie au catholicisme.
En minorité il reste les Sunnites, qui sont des indiens musulmans et qui ne sont pas arrivés à Maurice en tant que travailleurs sous contrat mais en tant qu’hommes libres pour faire du commerce. Ils détiennent le monopole du riz et une petite partie de l’industrie textile. Ils ont construit et bâtissent encore beaucoup de mosquées.
De sorte que cohabitent ici toutes les religions de la terre ( les majors en tout cas), comme un carrefour discret entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique, Maurice c’est ce grand brassage de cultures, de courants, de couleurs. Bien sur, il y a des conflits de pouvoir dans les ministères, sur les marchés boursiers, mais au quotidien, dans la rue, dans le bus, tout ce petit microcosme vit paisiblement dans une harmonie étonnante. Et tout ce monde disparate communique ! Le Créole est la langue universelle ici, la langue Mauricienne en quelque sorte. Car si chacun est emprunt de sa culture familiale, tous se sentent profondément Mauricien, une identité qui les rassemble, pour un pays qui a obtenu son indépendance en 1968 et qui tend à devenir un modèle exemplaire de réussite au cœur de l’Océan indien.
Enfin, il reste quelque expatriés chanceux pour quelques mois ou quelques années ( on en connaît qui n’en sont jamais repartis …), venus essentiellement de France, d’Angleterre, d’Afrique du Sud pour chercher un peu de souplesse fiscale et douanière (merci Mme offshore et merci Mr Port Franc ) mais aussi beaucoup de soleil et de douceur de vivre ...
Les commentaires récents